Année/Diffusion : 2019-?/Netflix
Par : Kim Sung Hoon, Kim Eun Hee
Épisodes : 12/?
Lee Chang (Joo Ji Hoon), fils d’une concubine du roi, est le prince héritier d’un royaume qui va mal. Depuis que son père est tombé malade, on lui a interdit de le voir, et le clan de la reine enceinte (Kim Hye Joon), les Cho, ont pris le pouvoir et l’exercent de manière impitoyable pour le peuple de Joseon. Lee Chang est déterminé à en savoir plus sur la maladie qui affecte son père. Traqué par les hommes du premier ministre Cho Hak Cho (Ryu Seung Ryong) et accompagné par son fidèle bras droit Moo Young (Kim Sang Ho), son enquête l’amène dans un petit village où la médecin Seo Bi (Bae Doo Na) et le chasseur Young Shin (Kim Seung Kyu) ont fait une découverte terrifiante sur une maladie qui transforme les gens en monstres. Pris en étau entre le clan Cho, qui veut l’éliminer pour mettre l’enfant à naître de la reine sur le trône, et une armée de cadavres, Lee Chang est déterminé à sauver son royaume coûte que coûte.
J’ai avalé les deux premières saisons de Kingdom d’une traite. C’était très divertissant, et comme les précédents dramas de Kim Eun Hee (Sign, Ghost, Signal…), solidement ancré sur son intrigue centrale et ses thèmes, sans détours ni scènes superflues. Je sais que la seconde saison ne finit pas définitivement la série et pose de nouvelles questions, mais je considère tout de même qu’elle clôture la première aventure du prince Lee Chang et de ses compagnons, et je voulais faire un premier bilan.
L’un des atouts principaux du drama est le parcours émotionnel du prince, qui se retrouve coincé entre les zombies d’un côté et les complots politiques liés à l’épidémie de l’autre, et qui essaie tout de même de vivre selon ses valeurs. Il développe une belle amitié avec Moo Yung, et cette relation devient très vite le cœur émotionnel du drama. Avec les scènes touchantes des réactions de citoyens qui se retrouvent confrontés à la mort de manière extrêmement brutale, Kingdom ne manque pas d’instants forts qui aident le show à ne jamais devenir une boucherie sans âme. Certaines scènes de massacre sont très esthétisées, mais elles ne sont pas uniquement là pour impressionner visuellement, elles font passer des émotions.
Et en plus d’émotions, Kingdom veut faire passer des messages. Il y a la métaphore évidente sur la corruption des élites : le clan noble des Cho pousse le peuple dans ses derniers retranchements (cannibalisme), et ce dernier revient le mordre sous la forme d’un peuple zombifié. La première saison parle essentiellement de cupidité, le crime originel à la source de l’outbreak, et la seconde saison s’intéresse encore plus à la lutte des classes à travers plusieurs arcs : quelles vies sont valorisées, quelles vies sont sacrifiables, et l’attachement au sang royal. Le tout est très approprié au vu des événements encore récents en Corée du Sud, qui venait de vivre l’une des plus grosse affaire de dénonciation de corruption de son histoire et d’évincer du pouvoir la fille d’un ancien dictateur (la Révolution des bougies).
L’autre principal atout du drama est sa réalisation. Le gros budget est bien utilisé, et la production en amont assure une qualité constante. C’est un mélange parfois en clair-obscur parfois bariolé de couleurs vives d’horreur et d’action survitaminée, porté par un travail remarquable de toute l’équipe de réalisation, des acteurs (si vous n’étiez pas encore fan de Joo Ji Hoon, ce drama est l’occasion de rentrer dans le club) et figurants qui délivrent des scènes captivantes et effroyables à la fois. En plus de ça ils ont trouvé un bon équilibre entre les scènes d’horreur, d’action, d’aventure et de dialogue/émotion, si bien qu’on ne se dégoûte pas de la violence, ni du gore, ni des combats, ni de la stratégie, etc.
Mon principal regret dans ce drama est le manque de diversité et de nuance dans l’écriture des personnages féminins. Kingdom est largement dominé par les hommes, et Seo Bi et la reine sont les deux seules femmes qui ont des rôles importants. Pour ne rien arranger, on leur a attribué des personnalités extrêmes, l’une étant absolument démoniaque et l’autre absolument angélique. Heureusement qu’il y a la direction d’acteur et les interprétations de grande qualité pour cacher la misère. Et si je suis contente qu’une romance n’ait pas été forcée dans l’intrigue (qui n’en n’avait pas besoin), je ne peux pas m’empêcher de penser que ça aurait pu forcer Kim Eun Hee à développer la personnalité et l’histoire de Seo Bi un peu plus. Non seulement on ne sait presque rien d’elle en dehors de toutes ses vertus (courage, honnêteté, empathie, intelligence, etc, etc.) mais j’ai trouvé qu’elle était plus un outil scénaristique utilisé à des moments clés de l’intrigue pour la faire avancer qu’un véritable personnage avec un arc digne de ce nom.
C’est particulièrement flagrant au cours de la seconde saison. Seo Bi devient encore plus un pion du scénario, elle est ballottée d’un endroit à l’autre pour servir de déclencheur à certains événements clés, et j’ai détesté la manière dont ça la réduit à un instrument stratégique passif. Et je ne dis même pas qu’ils n’auraient pas dû lui faire faire les choix qu’elle fait, ça colle avec son éthique médicale, mais qu’ils auraient pu nous donner quelques scènes où elle apparaît plus humaine, au minimum un peu hésitante sur la situation. Et je n’ai pas aimé non plus ce qu’ils ont fait avec la reine Cho, ça glissait dangereusement vers un sous-texte de diabolisation d’une femme qui prend le pouvoir, surtout qu’en miroir on a Seo Bi qui est un modèle de vertu inatteignable (idem pour la femme de Moo Yong qui est l’épouse parfaite, courageuse, fidèle, gnagnagna). Je ne pense pas que c’était intentionnel de la part de la scénariste de tomber dans ces clichés, parce que je ne me souviens pas du tout d’avoir rencontré ça dans ses dramas précédents. A mon avis elle s’est piégée elle-même en réduisant ses personnages féminins principaux à deux femmes totalement opposées. C’est d’autant plus frustrant que ses personnages masculins n’ont pas du tout ce problème, et eux sont autorisés à avoir des sentiments nuancés, un développement de leur background et des arcs dignes de ce nom.
Et tant qu’on parle de l’écriture, de manière générale j’ai trouvé que sa qualité était plus inégale au cours de la seconde saison. Les “grands moments” valaient le coup mais le chemin que les personnages prenaient pour y arriver était trop souvent frustrant. Certaines scènes parvenaient à m’étonner et à me captiver, mais pour d’autres je les voyais arriver à des kilomètres avec un peu d’exaspération. J’ai aussi eu du mal à accepter la manière dont la maladie qui transforme les gens en zombies est adaptée aux circonstances pour justifier tel ou tel tournant du scénario : s’il y a une chose qui me sort d’un tel drama, c’est ce genre de facilité. Je n’ai pas décroché grâce à la qualité du reste (jeu des acteurs, réalisation, force émotionnelle, suspense maintenu jusqu’à la fin), mais ce n’est pas passé loin.
Enfin, en ce qui concerne la possibilité d’une suite, je suis assez largement satisfaite de la manière dont cette première aventure se termine pour m’estimer contente de ces deux premières saisons quoi qu’il advienne. Je note que l’apparition d’un nouveau personnage féminin à la fin pourrait résoudre le problème dont j’ai parlé précédemment, à condition de ne pas en faire une nouvelle caricature. Et si je suis ouverte à une ou deux saisons de plus, je n’aime pas les séries de zombies qui refusent de se terminer, et je pourrais décrocher facilement si c’est le cas.
En bref : Un bon blockbuster au sous-texte politique et social engagé, qui mélange élégamment horreur, thriller, action et reconstitution historique. Quelques problèmes au niveau de l’écriture, surtout au cours de la seconde saison, mais pas suffisants pour gâcher totalement le plaisir.